Les risques psychosociaux restent sous-estimés au travail
Une enquête conduite par le Centre des jeunes dirigeants de Rhône-Alpes le démontre : les risques psychosociaux sont trop souvent ignorés. Or le premier d'entre eux, le stress, touche quasiment toutes les entreprises.
Contrairement aux Anglo-Saxons et aux Européens du Nord, les Français appréhendent encore mal la problématique des risques psychosociaux au travail. Pour preuve, cette récente enquête conduite par le Centre des jeunes dirigeants de Rhône-Alpes. « C'est la première fois que j'entends ce terme… Et puis, le mot psy, c'est très mal vu dans les entreprises… » , répond un des patrons interviewés. « Je les vois comme des risques que je ne pourrais pas maîtriser, pour lesquels je n'aurais pas les compétences. Donc je devrais soit subir, soit me faire aider » , reconnaît un autre. « C'est tabou chez de très nombreux salariés. Par peur d'être jugé comme fragile, inadéquat à la tâche, de voir son évolution dans l'entreprise freinée » , renchérit un délégué du personnel. Problème : les sociétés se doivent d'avoir négocié un accord sur le sujet avec leurs partenaires sociaux d'ici à février 2010.
« La France a toujours adopté une position de précaution à l'égard de la souffrance personnelle. Et les patrons ont peur d'attenter à la vie privée » , reconnaît Tessa Melkonian, professeur à l'Ecole de management de Lyon. Mais, pour Bénédicte Haubold, fondatrice du cabinet Artelie Conseil, toutes les entreprises sont touchées par les risques psychosociaux, en particulier « celles confrontées à des questions de survie économique ou d'adaptation au marché. Les tensions de la hiérarchie peuvent redescendre sur les collaborateurs, qui les vivront différemment selon la qualité des rapports qu'ils entretiennent avec leurs collègues » .
Une autre forme de réaction conduit certains salariés au désengagement. Une récente enquête chez EADS laissait entendre que « 90 % des 118.000 collaborateurs » de l'avionneur européen se disaient non impliqués. Que faire ? « Il faut travailler sur de nouvelles bases avec des engagements réciproques des deux parties », dit Tessa Melkonian. Or, chez France Télécom, confronté récemment à une succession de suicides, « les contrats d'embauche ne prévoyaient pas les mutations internes, contrairement à d'autres entreprises où les salariés changent de postes tous les trois ou quatre ans. Et cette mobilité est largement admise dans ces cas-là » , souligne Bénédicte Haubold.
Plus le statut est protecteur, plus le changement a du mal à passer. « Les collaborateurs poussés à bout sont en général très engagés dans leur travail » , remarque Tessa Melkonian. Ils se suicident dans leur entreprise, « car c'est l'endroit où ils passent le plus de temps. C'est aussi pour donner une dimension symbolique à un geste ultime motivé par quelque chose qui les a broyés » , même si la cause dénoncée n'est peut-être que le facteur de trop, analyse Philippe Ducatte, qui dirige la société de conseil Epsy.
Ce dernier observe que le sentiment de malaise est moindre dans les PME, « car le patron est visible, on peut voir sur son visage s'il est inquiet ou serein. Le personnel a l'impression que tout le monde est dans le même bateau » . Au nom de cette proximité rassurante, cet expert social regrette la disparition des agents de maîtrise, qui jouaient le rôle d'interface entre la hiérarchie et la base. Au-delà des cellules de crise, les entreprises doivent se tourner vers un remède plus profond. Il faut « repenser l'organisation. La place de chacun doit être expliquée pour donner du sens au travail. A quoi servent les entretiens annuels si on ne dit pas aux gens qu'ils sont bons ? » , lance l'expert Jean-Pierre Laurensson, délégué régional de la CFDT en Rhône-Alpes chargé de la santé au travail. Plus que jamais sont dénoncés « un management trop loin des personnes » et un « isolement grandissant des salariés ».
1. Un concept et des termes inconnus et qui font peur.
2. Des représentations de ces risques qui n'aident pas l'action.
3. Un lien encore fragile avec les situations de travail.
4. Un impact sur la production mal appréhendé.
5. Trop peu d'indicateurs chiffrés.
6. Un impact sur la santé des personnes sous-évalué.
7. Des représentants du personnel peu au fait de cette problématique.
8. Une banalisation du phénomène.
9. Un doute quant à l'intérêt et l'adhésion des salariés pour ce sujet.
10. Des entreprises qui s'estiment démunies en compétences internes.
11. Des acteurs de la prévention encore trop peu connus.